Par convention en date du 9 décembre 1843, le propriétaire Farel loua à l'Etat, qui recherchait des bâtiments pour les besoins de l'administration pénitentiaire, les bâtiments de l'ancienne abbaye bénédictine de Saint-Benoît d'Aniane alors transformés en filature pour en faire une "Maison centrale de force et de correction" destinée à recevoir des hommes de plus de 18 ans. L'Etat se porta ensuite acquéreur des bâtiments en 1854. La maison centrale, inaugurée le 3 août 1845, fonctionna jusqu'en 1885, date à laquelle l'administration pénitentiaire jugea bon de la reconvertir en colonie pénitentiaire pour mineurs. En effet, il fallait trouver des places pour les jeunes de la colonie privée agricole de Montlobre (sur la commune de Vailhauquès), qui venait de fermer. Les bâtiments de l'ancienne maison centrale allaient accueillir une nouvelle colonie pénitentiaire, publique, cette fois.
La colonie pénitentiaire d'Aniane revêt donc un statut public dès 1886. Elle était inaugurée à un moment où l'administration pénitentiaire essayait de résoudre une difficulté provenant de l'application de l'article 3 de la loi du 5 août 1850. Le système d'éducation par les travaux agricoles ne convenait pas aux jeunes délinquants qui arrivaient pour la plupart de centres urbains et industriels. Il était constaté qu'à leur libération, ces jeunes, formés à d'autres métiers que ceux que proposaient les villes, ne trouvaient pas de travail. Les probabilités de retomber dans la délinquance étaient alors accrues. L'administration, soucieuse de la réinsertion des jeunes à leur sortie de la colonie agricole, avait déjà élargi la possibilité de faire travailler les mineurs dans les " principales industries qui se rattachent à l'agriculture ", comme le précisait l'article 3 de la loi de 1850 . Mais avec la création d'Aniane, colonie industrielle, elle faisait un pas en avant de plus.
Aniane devait recevoir, rappelons-le, différentes catégories de pupilles :
·des mineurs de moins de 18 ans de sexe masculin acquittés en vertu de l'article 66 du code pénal, c'est à dire comme " ayant agi sans discernement " et non remis à leurs familles ;
·des mineurs condamnés à une peine d'emprisonnement comprise entre 6 mois et 2 ans
·des pupilles de l'assistance Publique jugés difficiles et confiés à l'établissement par application des articles 1 et 2 de la loi de 1904
En 1912, le système de la liberté surveillée était inauguré, qui constituait une avancée dans la réforme de la législation pénale des enfants.
Il devenait impossible d'envoyer les enfants de moins de 13 ans en maison de correction.
Dans ce contexte, le régime de la colonie pénitentiaire était dur, et Aniane connut des tentatives d'évasions, des révoltes, des agressions contre les surveillants et plusieurs mutineries entre 1895 et 1940, comme celle, par exemple, de Noël 1898-janvier1899 qui fut lourdement sanctionnée. Les causes invoquées ? Le nombre insuffisant de gardiens par rapport au nombre de détenus (Aniane abritait à ce moment-là 350 colons), la trop grande promiscuité, le manque d'hygiène, la mauvaise gestion du directeur& Mais au-delà de la polémique, c'est le système de l'enfermement lui-même qui était remis en cause, et le scandale des " bagnes pour enfants " ne tardera pas à éclater. D'autres incidents graves éclatèrent encore en 1936, en 1937, en 1939, en 1940. A la Libération, la protection judiciaire de l'enfance fut réorganisée par l'ordonnance du 2 février 1945 qui proclama la prééminence de l'éducatif sur le répressif. Ainsi furent mis en place des ateliers de rééducation par le travail manuel et qui permettaient l'apprentissage d'un métier.
De 1945 date aussi l'Education surveillée, et Aniane, qui était un établissement pénitentiaire, devint une " Institution d'éducation surveillée ". L'établissement prenait toujours en charge les condamnés et les délinquants difficiles. Mais on note une amélioration générale des conditions de vie ; en 1957, l'établissement changea de nom et devint un " Internat professionnel d'Education spécialisée " ; c'est à ce moment-là aussi que les quartiers cellulaires furent démolis .
Un an plus tard, est instituée l'Assistance éducative : à la notion d'internat collectif, fermé, se substituent les notions de travail en milieu ouvert et d'individualisation du mineur délinquant. En 1974 apparut le service d'Education surveillée dans le département de l'Hérault et le directeur de l'IPES d'Aniane devint directeur départemental de l'Education surveillée, doubles fonctions qu'il cumulera jusqu'en 1979 .
On peut considérer qu'en 1975 l'institution a revêtu sa forme définitive , en tant qu'établissement à la fois d'éducation et de prévention. L'établissement assurait des prises en charge diversifiées : internes, externes, demi-pensionnaires, internes-externés, pensionnaires-externes, et jeunes travailleurs.
Aniane s'ouvrit sur l'extérieur et se modernisa : en 1967, on créa une piscine, un gymnase, en 1976 on refit les classes, le restaurant, les cuisines, en 1980, on installa un court de tennis, et surtout on transforma les anciennes " chambrettes ", au nombre de 120, en 60 chambres avec salle de jeux et salle de télévision. L'institut dispensait un enseignement théorique dans les classes et un enseignement professionnel dans les ateliers (mécanique, soudure, menuiserie, peinture, plomberie, électricité) auquel s'ajoutaient diverses activités de plein air, pédagogiques et sportives. En 1993, suite aux redéploiements prévus par le ministère de la Justice, le nombre de mineurs hébergés restant trop modeste (23 jeunes), il est décidé de fermer l'ISES d'Aniane.